Dans le cadre de l’atelier Reporters de vie du programme Vous faites partie de lhistoire, Fancisco Salvador a raconté son histoire devant les élèves de lÉcole Lusitana.
Je suis né à Lisbonne le 19 juin 1935. J’ai maintenant 71 ans.
À l’école : je faisais parti d’une bande de pieds nus
Comme tous les enfants portugais de l’époque, j’ai fait ma 4e année [l’équivalent de la 6e année de l’enseignement primaire]. Avec l’appui de mes parents, j’ai pu poursuivre et aller à l’École industrielle Machado Castro (EIMC). On appelait ça l’école industrielle des « mal-éduqués ». Juste à côté, il y avait le lycée Pedro Nunes. L’école industrielle était pour la bande de pieds nus [classe ouvrière] et le lycée, pour les petits garçons de bonne famille.
Je me souviens d’un professeur terrible que nous avons eu, l’ingénieur Campos Duarte. C’était vraiment une personne dure. Son cours était celui de technologie et nous y apprenions à couper ou à souder les métaux. C’était un cours obligatoire en dernière année pour avoir notre diplôme. Mais, au lieu de nous enseigner avec des exemples, l’ingénieur Duarte entrait dans la classe et se mettait à écrire au tableau sans arrêt pendant une heure. Et, les élèves devaient tout recopier dans leur cahier.
À la fin du premier semestre, nous avons eu un examen où la note maximum donnée fut 2 points sur 20. Pour passer notre année, il fallait cumulé 30 points sur les trois examens, ce qui veut dire une moyenne de 10 points par examen. Si on cumulait 28 ou 29, les professeurs étaient souvent généreux et donnaient les points qu’il nous fallait pour passer.
Dans ce fameux examen, j’ai été chanceux, et j’ai eu 2 points. À la fin du deuxième semestre, j’ai réussi à avoir 10. Pour le dernier examen, je voulais vraiment une bonne note parce que je voulais terminer mon cours. J’étais vraiment en panique, il me fallait au moins 15 points. Alors,...
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Dans le cadre de l’atelier Reporters de vie du programme Vous faites partie de lhistoire, Fancisco Salvador a raconté son histoire devant les élèves de lÉcole Lusitana.
Je suis né à Lisbonne le 19 juin 1935. J’ai maintenant 71 ans.
À l’école : je faisais parti d’une bande de pieds nus
Comme tous les enfants portugais de l’époque, j’ai fait ma 4e année [l’équivalent de la 6e année de l’enseignement primaire]. Avec l’appui de mes parents, j’ai pu poursuivre et aller à l’École industrielle Machado Castro (EIMC). On appelait ça l’école industrielle des « mal-éduqués ». Juste à côté, il y avait le lycée Pedro Nunes. L’école industrielle était pour la bande de pieds nus [classe ouvrière] et le lycée, pour les petits garçons de bonne famille.
Je me souviens d’un professeur terrible que nous avons eu, l’ingénieur Campos Duarte. C’était vraiment une personne dure. Son cours était celui de technologie et nous y apprenions à couper ou à souder les métaux. C’était un cours obligatoire en dernière année pour avoir notre diplôme. Mais, au lieu de nous enseigner avec des exemples, l’ingénieur Duarte entrait dans la classe et se mettait à écrire au tableau sans arrêt pendant une heure. Et, les élèves devaient tout recopier dans leur cahier.
À la fin du premier semestre, nous avons eu un examen où la note maximum donnée fut 2 points sur 20. Pour passer notre année, il fallait cumulé 30 points sur les trois examens, ce qui veut dire une moyenne de 10 points par examen. Si on cumulait 28 ou 29, les professeurs étaient souvent généreux et donnaient les points qu’il nous fallait pour passer.
Dans ce fameux examen, j’ai été chanceux, et j’ai eu 2 points. À la fin du deuxième semestre, j’ai réussi à avoir 10. Pour le dernier examen, je voulais vraiment une bonne note parce que je voulais terminer mon cours. J’étais vraiment en panique, il me fallait au moins 15 points. Alors, j’ai pensé : « Le professeur n’a pas le temps de faire 2 ou 3 examens. Il en fait seulement un pour tout le monde » L’ingénieur Duarte donnait exactement le même cours juste avant le nôtre. Alors, quand le premier élève est sorti, je lui ai demandé : « As-tu la copie de l’examen ? Montre-la moi. » J’ai pu voir les questions et réviser mes notes juste avant de rentrer dans la salle de classe. J’ai triché, je l’avoue. Mais, j’ai réussi à avoir 18 points. J’ai été un des rares qui a passé cette année là et qui a terminé son diplôme.
Travailler de ses mains pour ne pas mourir de faim
Avec mes études, j’ai appris à être maître serrurier. Mais ce qui me passionnait c’était l’argent. Je voulais savoir comment faire pour avoir de l’argent et comment fonctionnait l’économie d’un pays.
Mon père disait que l’usine où il travaillait en 1930 a fermé à cause de la dépression économique et que d’apprendre à travailler de ses mains, permettait de ne jamais mourir de faim. Par après, mon père a été chauffeur de camion pour la municipalité de Lisbonne. Ma mère, quand à elle, était portière et concierge dans l’édifice où nous habitions.
J’ai donc suivi les conseils de mon père. J’ai fait le cours industriel et j’ai commencé à travailler pour la compagnie de machines à coudre Singer.
Quel athlète
J’ai toujours aimé le sport. Pendant que j’allais à l’école, je jouais beaucoup au soccer. J’ai même pratiqué avec le Benfica [club de soccer de Lisbonne faisant partie de la ligue nationale], mais je ne suis resté qu’une demi-heure On m’a mis dehors tout de suite. J’étais défenseur et j’ai laissé passé un gars. Il a compté un but. L’entraîneur m’a dit : « Tu peux rentrer à la maison, va t’habiller.»
J’ai aussi fait de l’athlétisme. Je participais aux épreuves de saut en hauteur. J’étais très mince à cette époque. Je suis resté en deuxième place dans un des championnats au quel j’ai participé.
J’ai aussi fait de la gymnastique au sol dans l’armée.
Parlez-vous français ? Do you speak english ?
J’ai suivi des cours pendant deux ans à l’École française de Lisbonne et deux ans à l’Institut britannique, également à Lisbonne.
Dans l’entreprise Singer, tout était en anglais : les livres d’instructions venaient tous des États-Unis ou de l’Angleterre. Et pour pouvoir monter de poste dans la compagnie, il fallait connaître l’anglais.
Nous avions également une manufacture en France et quelques machines venaient de là. J’ai donc appris le français. Mais il y avait une autre raison également…
Une fille qui me plaisait allait à l’École française…alors j’ai appris le français
Quand je suis arrivé ici, je parlais déjà le français. Mais l’accent des québécois a été ardu à comprendre
Mon premier soir à Montréal
Je suis arrivé à Montréal en 1963, j’avais 28 ans. C’était un dimanche. Le 29 septembre exactement. J’ai pris le dernier avion de la saison qui faisait le vol vers Montréal.
J’avais un ami d’école et qui était ici déjà. Je lui ai écrit pour lui dire que je venais au Canada et lui demander de venir me chercher à l’aéroport.
Mon ami était architecte et il était ici depuis presque 6 mois. Il avait trouvé un emploi comme dessinateur pour Expo 67. Moi, je pensais qu’il était millionnaire déjà
Dans sa maison, il y avait à peine une table, deux chaises et un petit sofa lit. Nous avons commandé une pizza pour le souper. Plus tard, mon ami m’a dit : « Il y a seulement un lit et on ne peut pas dormir tous les deux tout de même Alors, voici deux couvertures… » C’était en septembre et il ne faisait pas froid encore. J’ai placé des feuilles de journaux Montreal Star et The Gazette par terre et avec les couvertures, je me suis fait un lit.
Ma première impression du Canada fut donc : « Mais alors, le gars est là depuis 6 mois… mais ça doit être terrible ici Qu’est-ce que je suis venu faire dans ce pays?»
La compagnie Singer, d’un pays à l’autre
Je travaillais déjà pour Singer quand la guerre a commencé en Angola, en 1961 [Ancienne colonie portugaise].
Les soldats portugais partaient de la capitale [Lisbonne] avec des uniformes d’armée faits d’un tissu très rigide. Ils pouvaient mettre leurs pantalons debout tellement c’était raide et épais. Mais quelle idée que d’avoir de tels habits pour aller en Afrique et, dans la jungle en plus Les soldats mourraient plus de chaleur que des balles des rebelles
Le gouvernement portugais a décidé de changer les uniformes des soldats. C’est comme ça que Singer Portugal a reçu un contrat de l’armée. Il fallait faire des uniformes, 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Comme je parlais anglais, on m’a formé pour travailler avec les machines industrielles des grandes manufactures.
Par la suite, j’ai fait partie d’une équipe qui a formé les couturières qui travaillaient dans les manufactures pour confectionner les uniformes. Elles étaient habituées aux machines à coudre à pédale qui allaient très lentement. Elles cousaient sur des machines qui allaient de 800 à 1000 points par minutes, et nous les avons placées sur des machines de 4000 points par minute.
C’est après cette période que Singer m’a envoyée au Canada, pour que je puisse apprendre à travailler sur les derniers modèles des machines industrielles. Et, je suis resté.
Montréal a beaucoup changé depuis. Avec l’Expo 67 il y a eu des autoroutes et la construction du métro. Une grande révolution pour la ville
Retour sur les bancs d’école
À mon travail, on m’a autorisé à retourner aux études.
Un de mes rêves d’enfant était de comprendre comme on faisait de l’argent. J’étais mécanicien, parce que selon mon père, un mécanicien travaille avec ses mains et ne perd jamais son emploi. Mais, ma passion était l’économie.
J’ai donc été au campus Loyola, qui appartenait à l’Université de Montréal à cette époque, et pendant 8 ans j’ai suivi des cours du soir pour avoir un diplôme en économie et administration. Avec cette formation, j’ai pu devenir directeur à Singer Canada.
Anecdote – les machines d’aujourd’hui
Quand j’ai eu 65 ans, mon fils m’a donné un ordinateur, pour que je puisse travailler avec les ordinateurs. Il m’a dit : « Je te le prête, mais c’est moi qui travaille avec ça. Parce que tu ne seras pas capable d’apprendre. »
Mais aujourd’hui, je sais presque autant que lui même si je suis vieux Je reçois et j’envois des courriels et je change l’encre dans l’imprimante.
« Thank you papa »
J’ai eu un problème dans ma famille. Ma fille, Guida, voulait être archéologue. Vous savez, creuser pour fouiller des ruines à la recherche de squelettes, déterminer l’âge des pierres sur les maisons, connaître les arcs des populations autochtones, etc. Au Portugal, il y a plusieurs sites de fouilles datant des Romains ou des Phéniciens.
Ma femme était infirmière, alors automatiquement ça réaction a été négative : « Archéologue ? Faire des fouilles? Guida en train de creuser ? Mais elle est folle Non, tu seras infirmière ou médecin » Guida, m’a dit : « Moi, j’ai horreur du sang. Je ne peux d’aucune manière devenir médecin. Je veux chercher des ossements, des pierres. Papa, qu’est-ce que je vais faire ? ». Je lui ai répondu qu’elle pourrait faire ce qu’elle voulait et ce qu’elle aimait.
Aujourd’hui Guida Salvador Ph. D., est professeur à l’Université de Lisbonne.
Implication dans la communauté portugaise
Je suis conseiller des communautés portugaises. Nous sommes 100 conseillers à travers le monde entier. Au Canada nous sommes 7 et aux Etats-Unis 9, ce qui fait 16 pour l’Amérique du Nord. Tandis qu’en Europe, ils sont 40.
Quel est mon rôle ?
Mon rôle est d’aller à Lisbonne tous les deux ans avec un document de la grosseur d’un bottin téléphonique de ce que je pense de la communauté portugaise à Montréal. Pour le faire, je parle avec les directeurs des écoles portugaises, avec le prêtre, avec un tel ou tel autre. Et je leur demande quels sont les problèmes de la communauté, si il faut des livres, des choses pour les personnes âgées, etc. J’y suis allé en 2003 et en 2005.
Alors, je vais là-bas et je dit : « Pour la communauté portugaise de Montréal, que je représente, il faut ça, ça et ça. » Et le gouvernement me dit : « Très bien M. Salvador ». Il rédige par la suite une grande liste avec les priorités de tous les conseillers et la mette au réfrigérateur. Très souvent ils ne font rien. Mais ça c’est autre chose
Bilan d’un parcours de vie
Tout récemment, j’ai découvert un petit document que j’ai écrit en 1965. À l’époque, j’avais pris un cours de Public Speaking où il fallait écrire notre objectif de vie.
Voici ce que j’ai écrit :
1. To obtain a degree in commerce in Canada.
2. Be in charge of a division for Singer anywhere in the world.
3. To have a second child.
4. Retire at 60 with enough money and health to enjoy life.
J’ai fini mon diplôme en économie en 1975.
Je suis resté à Singer à Montréal. En 1985, j’ai été nommé directeur. J’ai été responsable de la partie industrielle de toutes les machines à travers le Canada.
Je voulais un petit canadien. J’ai eu un fils en 1975.
Pour le 4e objectif, eh bien, je travaille toujours….
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